Trek urbain #4 : les ruelles de Montréal
Bienvenue à notre 4e trek urbain. Nous vous proposons de vous accompagner dans la découvertes d’un joyau de Montréal. Un fascinant univers parallèle à l’abri du tumulte de la vie urbaine, j’ai nommé les ruelles.
Depuis maintenant une dizaine d’années, nous habitons le quartier de Villeray et j’ai le privilège de vous écrire présentement de mon balcon surplombant notre coquette ruelle. Espace de paix, de verdure, de solidarité, terrain de jeux d’une multitudes d’enfants de tous les âges et origines, refuges de chiens, de chats et surtout d’écureuils, ma ruelle est un véritable tableau vivant qui se renouvelle constamment sous mes yeux.
Derrière chez moi vit une petite famille. Les parents entretiennent amoureusement leur jardin urbain avec leurs bambins qui courent entres les jambes. La cours est un lieu chaleureux et animé où se donnent rendez-vous familles et amis. Au milieu de la piscine gonflable, des bulles de savons et des jouets, les enfants sont les rois de leur royaume.
Plus haut, le locataire nous gâte de ses pratiques de violon. Ce délice pour les oreilles est malheureusement interrompu par le passage des avions à basse altitude et des sirènes des véhicules d’urgence. Car la ruelle est aussi source d’une véritable cacophonie où rires d’enfants, jappements de chiens et cloches d’églises masquent le vrombissement lointain du trafic des grandes artères, le bruissement des feuilles et le chants des oiseaux.
Juste à côté, notre voisin vient de devenir papa. Nous le voyons matin et soir sortir dans la ruelle et déposer la chaise de son mignon poupon pendant qu'il lance la balle à ses deux border collies pas du tout offusqués que la famille s’agrandisse.
Nous avons aussi des amoureux de motos, de Harley plus spécifiquement. Je les vois régulièrement laver leurs engins avec amour et les enfourchées pour une virée de liberté. Ils prennent cependant soin de ne pas trop faire de bruit au départ parce que vivre au sein des ruelles s’est aussi apprendre le vivre ensemble.
Il y a ma voisine de palier qui a fait de son balcon un grand parc de jeux pour sa petite d’un an que j’entends gazouiller de bonheur pendant que j’écris. J'attends aussi au loin le bruit de la scie. La rénovation bat son plein en ces temps de pandémie. Les habitants de la ruelle prennent soin de leur espace, rénovent leur logement, construisent leur terrasse. Tous y mettent leur touche spéciale de sorte que chacune des cours arrières et chacun des balcons prennent des airs de fêtes, agrémentés de meubles de jardins, de lanternes multicolores et de plantes grimpantes.
Je vois les enfants courir d’un bout à l’autre de la ruelle en se faisant des scénarios en vélo, en trottinettes, en skateboard ou en voitures de plastique. On les entend crier à travers les clôtures : Léo es-tu là? Oui oui, il s’en vient. Quelques heures après, on entend Léo viens souper! oui oui maman j’arrive, juste une minute encore. C’est aussi cela la musique des ruelles.
Le soir, la ruelle est le théâtre des amoureux qui reviennent de la crèmerie, déambulant mains dans la main sous les cordes à linges et les lanternes de balcons, entourés des odeurs de barbecue et des murmures des conversations.
Les ruelles suivent le cycle des saisons. Personne ne se voient pendant les mois de grand froid et tranquillement, au printemps, la vie reprend ses droits. On se retrouve après une longue hibernation. Comme une famille qui ne s’est pas vu depuis des mois. On socialise, on accueille les nouveaux, on félicite les nouvelles naissances, mon dieux qu’il a grandit. On se chicane aussi parfois pour des bruits trop intenses ou des crottes de chats. Le printemps est aussi le temps des corvées de nettoyage. L’été, la vie bat son plein jusqu’aux vacances. Alors, la ruelle se vide à nouveau pour reprendre de plus belle avant l’arrivé de l’hiver.
Oui, pour moi, les ruelles sont les plus belles choses qui existent dans cette ville. Elles sont le reflet de la qualité de vie si réputée des montréalais et surtout, elles révèlent sa diversité. Chaque quartier à son charme et ses particularités: Villeray la chic, Rosemont la familiale, Plateau la spectaculaire, le vieux et le centre ville les historiques, Hochelaga la rebelle etc.
Voilà, avant de vous accompagner dans cette découverte unique, nous voulions vous donner un aperçu de ce qu’est la vie de ruelle. Si vous avez la chance de le vivre, vous savez de quoi je parle. Pour les autres, je vous invites à observer, écouter, sentir. Vous aurez alors un aperçu authentique de la vie à Montréal. Croyez-nous, ce que vous découvrirez vaut le détour.
La petite histoire des ruelles de Montréal
Pour vous mettre en contexte, il y a 4300 ruelles à Montréal, répandues dans tous les quartiers. On les retrouve cependant surtout dans le Plateau Mont-Royal, Rosemont-Petite-Patrie, St-Henri, Hochelaga-Maisonneuve et Villeray. Bien qu'étant assez larges pour permettre le passage de véhicules, les ruelles de Montréal ne sont pas considérées comme des rues et elles ne sont pas nommées. Relevant de l'administration municipale, elles sont asphaltées et entretenues mais rarement déneigées.
Au milieu du XVIIIe, Montréal a connue une forte croissance démographique et la multiplication des logements oblige les propriétaires à créer des voies de services donnant accès aux cours arrière. Ces voies sont d’abord des portes cochères qui s’ouvrent sur des tunnels qui donnent accès aux cours où l’on découvre des écuries, des dépendances et parfois quelques logements plus ou moins salubres.
Inexistantes pendant le règne de la Nouvelle-France, le concept de ruelle tel que nous le connaissons aujourd'hui a été importé vers le milieu des années XIXe par l’Angleterre. Elles apparaissent d’abord dans les quartiers riches sur les pentes du Mont-Royal et dans le quartier Saint-Antoine ( maintenant Westmount). Elle sert de voie de service à l'arrière des habitations pour la livraison des marchandises (glace, carburant, charbon). Elle sert aussi à la circulation des domestiques (pour éviter que les gens de la bonne société n'aient à les croiser dans la rue) et au débarras des déchets.
Elles sont si pratiques qu'elles seront rapidement adoptées dans tous les quartiers et non plus seulement dans les secteurs riches. À partir de 1870, la ruelle se développe dans les quartiers industriels comme dans la municipalité d’Hochelaga.
Au début du XXe siècle, les automobiles remplaceront peu à peu les chevaux et tranquillement, plusieurs ruelles sont élargies et bétonnées pour donner accès à des stationnements à l’arrière. Elles deviennent graduellement le lieu des vendeurs ambulants, des livreurs de mazout et le terrain de jeux des enfants du baby boom.
C'est aussi durant cette période qu’elles ont une mauvaise réputation et que nombreux sont ceux qui évitent de l’emprunter. Pas étonnant, car elles sont, la plupart du temps, mal éclairées, envahies de détritus, de rats et de chiens errants. Avec ces hangars lugubres et délabrés et ces coins sombres, elles sont aussi souvent le refuge de voleurs ou d’ivrognes.
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Premièrement, les services publics (cueillette des ordures, déneigement, accès des véhicules d’urgence) sont accessibles à partir de la rue. Seul le véhicule de l'aiguiseur de couteaux ambulant y passe encore quelques fois. De plus, au début des années 80, la Ville de Montréal met sur pied deux programmes pour éliminer les hangars jugés irrécupérables et dangereux: Opération Tournesol et Place au Soleil. Les hangars servaient dans le passé à entreposer le charbon et le mazout. Ceux-ci n’ayant plus d’utilité, les deux programmes permettent leur démolition. En 1989, ce sont plus de 35 000 hangars qui ont été démolis et remplacés par des cours arrières.
Finalement, c’est à la fin des années 90 qu’un mouvement d’action citoyenne portés par les éco-quartiers est né. Le but était la réappropriation de l’espace par les résidants. L’éco-quartier Plateau-Mont-Royal a lancé les premiers projets de ruelles vertes et l'idée s’est répandu dans plusieurs quartiers. Le concept est de verdir l’espace en retirant en partie ou complètement l’asphalte pour créer des plates-bandes où fleurissent toutes sortes de plantes, arbres et arbustes. Différents aménagements peuvent s’y ajouter comme de magnifiques murales et tableaux urbains, des nichoirs, des composteurs, des boîtes à livres, des jardins collectifs etc. Ces aménagements ont des impacts importants sur la qualité de vie des résidents car l’endroit devient plus sain (qualité de l’air et réduction des îlots de chaleur), plus sécuritaire et surtout, plus agréable. Depuis sa création, ce réseau ne cesse de prendre de l'ampleur et aujourd’hui, il y plus de 300 ruelles vertes à Montréal.
Aujourd’hui, à Montréal, la plupart des ruelles sont agréables et conviviales et elles sont promises à un avenir radieux .Grâce à l'implication citoyenne, leur épanouissement semble sans limite.
Circuit les ruelles du Plateau
7 kilomètres
Environ 3 heures
Départ: station de métro Sherbrooke
Avec notre concept de trek urbain, nous avons dû choisir un parcours. Ce ne fut pas tâche facile car tous les quartiers ont leur charme et leur particularité mais notre choix s’est arrêté sur les ruelles du Plateau en raison de leur beauté et leur diversité. Si vous aimez votre expérience, nous vous conseillons fortement de faire le même exercices dans les autres quartiers toutes les fois que cela vous est possible comme Villeray et Rosemont qui sont souvent très animées (surtout en début de soirée). Empruntez les au cours de vos promenades, au hasard de vos envies. Les découvertes y sont sans fin.
Pour vous aider à vous repérer, voici la carte des ruelles vertes de Montréal :
Donc c’est partit pour notre circuit.
Rendez-vous à la station Sherbrooke et emprunter la rue Sherbrooke jusqu'à la rue Laval. Vous trouverez là une ruelle entre Laval et Hôtel de Ville. Montez vers le Nord et vous arriverez sur la belle rue piétonnière de Prince-Arthur. De là, dirigez vous à votre droite ver le Carré Saint-Louis jusqu’à la rue Henri-Julien. Emprunter la ruelle entre Henri-julien et Drolet. C’est sans doute la plus belle du circuit, alors prenez le temps de l'admirer. Ce qu'en ont fait les résident est spectaculaire. Montez vers le nord jusqu’à L'avenue des pins. Reprenez la ruelle entre Henri-Julien et Drolet jusqu’à la belle rue Duluth. Arrêtez vous un instant pour admirer l’ambiance de cette rue unique à Montréal.
Tournez à gauche sur Duluth pour prendre la ruelle entre Laval et Hotel de ville. Rendu sur Rachel, revenez sur vos pas pour retrouvez la ruelle entre Henri-Julien et Drolet jusqu’à la rue Mont- Royal. Lors de notre passage, cette rue commerciale était piétonnière et très agréable. Tournez à gauche pour monter la rue Hôtel-de-ville jusqu’à la spectaculaire ruelle Demers. Véritable oeuvre d’art horticole. Vous déboucherez alors sur la rue Henri-Julien. Descendez sur Villeneuve et tournez à droit pour rejoindre Saint-Denis.
Ceci est la première partie du trek. La deuxième se trouve de l’autre côté de la rue Saint-Denis. Descendez Saint-Denis jusqu'à Bienville et longez là jusqu’à Resther. Vous trouverez alors une petit ruelle entre Resher et Saint-Hubert, jusqu'à Gilford. De là, tourner à droite pour rejoindre la ruelle entre Saint-André et Mentana, jusqu'à la rue Mont Royal. Marchez sur cette rue, profitez, prenez un café et un Bagel au St-Viateur, pour ensuite aller emprunter la ruelle entre Brébeuf et Chambord jusqu'à Saint-Joseph pour redescendre la ruelle entre Chambord et la rue de Lanaudière. Revenez à Mont-Royal, Marchez encore sur Mont Royal jusqu'à Fabre pour remonter le nord par la ruelle entre Fabre et Marquette. Voilà, la fin de votre parcours, Vous pouvez revenir sur vos pas sur Mont Royal pour emprunter le métro Mont-Royal où prendre comme nous la 45 sur la rue Papineau.
En bonus, voici quelques ruelles localisées dans d’autres quartiers qui possèdent aussi un charme particulier :
L’historique: Ruelle la Capitale dans le vieux Montréal entre les rues Sherbrooke et Sainte-Catherine Ouest / Mansfield et Stanley.
La hanté : Ruelle derrière le 8418 de la rue Berri près de Saint-Denis et Crémazie (où a été assassiné le sergent-détective Henry Farmer par deux cambrioleurs le 17 mars 1944)
La première ruelle verte (1995) située dans le quadrilatère Napoléon-Roy-Parc La Fontaine-Mentana
L’engagée : La ruelle animée du Dr Julien sur la rue Aylwin coin Adam. (Hochelaga- Maisonneuve).
Les coquettes :
Le raccourci : St-Michel. entre le terrain industriel de la STM et le cul-de-sac des rues Jean-Rivard et d’Hérelle.
Ruelle Modigliani: entre les rues De Brébeuf et Chambord, au nord de la rue Gilford.
Ruelle Mistral gagnant: Le concept visuelle de cette ruelle a été réalisé par Le collectif Fait-main, constitué d’étudiants de 3e année du programme de Graphisme du Cégep Marie-Victorin. Elle est située entre les rues Mistral et Leman / l’avenue De Chateaubriand et Saint-Hubert.
Les familiales:
La ruelle Boyer: entre Saint-André et Boyer / Villeray et Jarry
Ruelle la belle verte: Berri et Lajeunesse / Faillon et Villeray
Ruelle la sinueuse: entre les rues Casgrain et De Gaspé / Jarry et Guizot
Ruelle des tournesols : entre les rues De Lorimier et des Érables / Beaubien et St-Zotique.
Ruelle De Gaspé et Alma / Beaubien et Dantes
J'espère que vous avez appréciez ce quatrième trek urbain. Et vous, quelles ruelles ont capté votre attention? Nous aimerions bien le savoir. Merci de nous lire et n’hésitez pas à nous laisser vos commentaires et suggestions sur le site ou sur notre page Facebook.
Pendant la pandémie, on voyage dans sa ville!