Trek urbain #1: Métamorphose, parc Frédéric-Back
Déjà la moitié de l’année 2020 est écoulée et ne voyant pas de voyages internationaux reprendre bientôt, nous avons décidé de réorienter notre approche du voyage afin de vous inspirer à profiter au maximum de vos temps libre. Nous inspirant de la méthode Slow travel et toujours dans l’esprit du tourisme responsable (on vous suggère les transports en commun et la marche), nous vous proposons une série de Trek Urbain, accessible à tous, où vous pourrez découvrir les aspects historiques, culturels et architecturaux de la belle et grande ville de Montréal.
En période de pandémie, je voyage dans ma ville.
Le premier trajet que nous vous proposons est étonnant. Il se trouve au au coeur du quartier Saint-Michel. Ancienne ville de l'île de Montréal, englobée par la ville de Montréal en 1968. Il fait partie de ce que l’on nomme aujourd’hui l’arrondissement Villeray–Saint-Michel– Parc-Extension. Saint-Michel a connu plusieurs bouleversements depuis son apparition au début du 18e siècle. D’abord vaste terrain agricole parsemé de forges, carrières et de fours à chaux, il se développe tranquillement jusqu’à l'apparition de la première paroisse en 1911.
Suivra alors une ère d’expansion. La population passe de 6000 à 68000 habitants. Attirés d’abord par les besoins de mains d'oeuvre et ensuite par les loyers modiques, des vagues d’immigrants viendront peupler ce quartier durant toute son histoire: italiens, maghrébins, chinois, vietnamiens, haïtiens, latino etc. Aujourd'hui, 50% de la population provient de communautés culturelles et ce pourcentage ne cesse d’augmenter faisant de Saint-Michel un des quartiers les plus multi-culturels du Canada.
Cependant, le quartier souffre d’une réputation peu enviable. Les années 70, 80 et 90 seront le théâtre de fermetures d’usines et de pertes d'emploi, faisant de Saint-Michel l’un des quartiers les plus défavorisés de la ville. Mais l’image tend à changer surtout grâce à l'implantation du projet novateur du complexe environnemental de Saint-Michel. C’est justement ce projet qui est le centre d’attention de ce parcours.
Trek urbain Circuit 1 : Métamorphose (Parc Frédéric-Back)
12 kilomètres
environ 2 à 3 heures (en prenant votre temps)
Départ Métro Crémazie (coin Saint-hubert et Crémazie pour ceux qui ne prennent pas le métro).
Du métro, en empruntant le boulevard Crémazie, rendez vous au coin de la rue Saint Hubert. Il y a peu d’intérêt sur ce parcours. C’est pourquoi, pour pimenter cette expérience, je vous suggère de circuler en dessous du Boulevard Métropolitain. Ce portrait de fin du monde avec ses parkings déserts et son béton, peut être propice à laisser vaguer son imagination. Moi, je m’amuse à l’imaginer s’écrouler et m’ensevelir comme dans les films catastrophes ou, sur une note plus gai, je réfléchis à quel autre fonction aurait pu servir tant d'espace : un immense skatepark, un sentier urbain ? Les possibilités sont infinis.
Arrivé au coin de la Saint-Hubert, dirigez-vous vers le nord jusqu’à la résidence des étudiants du Collège Ahuntsic (à quelque mètres de là sur votre droite). Tournez à droite sur la rue qui longe l’édifice. Vous serez alors sur un chemin semi piétonnier qui vous amène derrière le centre sportif Claude-Robillard et au milieu de ces nombreuses installations.
Le Centre Sportif Claude-Robillard, construit dans le cadre des Olympiques d’été de 1976, abrite un bassin de natation, une piste d'athlétisme, des gymnases, des salles de combat et des palestres de gymnastique. À l’extérieur, vous croiserez un aréna, une piste d'athlétisme, des terrains de soccer, tennis, baseball et balle-molle. Depuis les Olympiques, bon nombre de compétitions sportives nationales et internationales s’y sont déroulées et s’y déroulent encore. Nombreux sont les athlètes d'élite qui s'y entraînent assidûment. Notez que l'équipe de soccer l'Impact de Montréal y a élu domicile jusqu'en 2008 avant de déménager dans le nouveau Stade Saputo près du Stade Olympique.
Vous sillonnez ensuite un développement résidentiel tranquille mais sans véritable charme. Pour y arriver, prenez la rue Étienne Blanchard et longez le petit parc Jean-Martucci jusqu'à la rue André Grasset que vous descendrez vers le sud (à droite) jusqu’à la rue François H. Prévost. À Remarquer que la majeure partie de la toponymie des rues témoigne de l’influence qu’on eu les pères sulpiciens du 19e siècle sur le développement du coin. Ils ont d’ailleurs été les fondateurs du prestigieux Collège André-Grasset situé à quelque pas de là.
Vous voici arrivé au départ du véritable parcours, le parc Frédéric-Back, nommé en l’honneur de l’illustrateur et cinéaste Frédéric Back, reconnu pour son film de l’homme qui plantait des arbres. Une oeuvre magistrale, gagnante de nombreux prix dont deux Oscars.
En traversant la rue Papineau, vous vous retrouvez devant une grande structure rectangulaire qu’on nomme le Parvis Papineau. Vous tournerez à gauche sur le large sentier qui longe une clôture vous séparant de l’ancienne carrière et dépotoir, connu maintenant sous le nom de Complexe environnemental de Saint-Michel. L'accès est interdit au public pour le moment mais l’aménagement du parc est prévu être complété aux environs de 2026. Le Complexe environnemental est fascinant pour de multiples raisons.
Son histoire : Pendant des décennies, Montréal était parsemé de carrières qui ont contribué à l’essor de la ville. Après la première guerre mondiale, nombre d’entre elles fusionnent et les autres, forcées de fermer, abandonnent les sites en laissant d’énormes trous derrière elles. Ces trous sont la cause de tragiques accidents (principalement des noyades). C’est pourquoi la villes décide de récupérer ces espaces et de les remblayer pour faire place à du cadre bâti et à des parcs. C’est le cas de la carrière Maisonneuve, aujourd’hui intégrée au Jardin botanique.
En 1947, les frères Miron achètent leur première carrière. Ils prospèrent et prennent possession de toutes les petites carrières de l’endroit qui sont réunies désormais sous la bannière Miron. Commence alors une période difficile pour les résidents du quartier car, la compagnie utilise les nouvelles techniques d’extraction consistant à dynamiter pour retirer le calcaire. En outre, la firme décide de transformer une partie de la carrière en site d'enfouissement. C’est ainsi qu’une immense fosse se remplit lentement de matières putrescibles. Toutes ces exploitations provoquent leur lots d’ennuis: odeurs, bruits, poussières, rongeurs, etc.
Avec l’émergence de ces problèmes, la fierté de savoir que la carrière a contribué à l'essor de la ville en produisant les matériaux qui ont servi à des chantiers prestigieux (gare centrale, l’hôpital Sainte-Justine, la voie maritime du Saint-Laurent, la place Ville-Marie, le complexe Desjardins) ne suffit plus à étouffer le mécontentement. La grogne populaire atteint son apogée dans les années 70 et de nombreuses mobilisations citoyennes réclament la cessation des activités. La ville décide alors de racheter les terrains de la carrière Miron en 1988. C’est cette année-là que près de 50 000 personnes assistent, émus, à la chute des deux cheminées de la cimenterie, symboles emblématiques de l’histoire du quartier Saint-Michel.
En attente d’un projet, la ville continu pendant quelques années de se servir du site pour enfouir les déchets et pour déposer les neiges usées. Ce n’est qu’en 2000 que les camions d’ordures cessent complètement de déverser leur contenu dans le trou de l’ancienne carrière. Commence alors une nouvelle ère. Le Centre de Tri et d’élimination des déchets apparaît. La centrale Gazmont se met à convertir en électricité les biogaz extraits des puits de captage et le projet du Complexe environnemental de Saint-Michel auquel sont associés la TOHU, la Cité des arts du cirque, le Cirque du Soleil et le Taz voit le jour. C’est ainsi que, de lieu associé à pollution et au bruit, Saint Michel devient l’un des quartiers les plus verts de Montréal.
Sa superficie, ses sentiers et ses belvédères : Le parc sera à terme un immense site qui occupera 153 hectares des 192 hectares du complexe et comprendra plusieurs secteurs aménagés. Cela équivaut aux deux-tiers du parc du Mont-Royal. Un sentier de 7,5 km y est aménagé pour la marche, la course à pied, le vélo, le ski de fond et la raquette. En bonus, des belvédères surplombent le site offrent des points de vue étonnants sur la ville.
Sa mission environnementale : L’idée est de prendre un lieu qui symbolise depuis des siècles les désagréments causés par la pollution et le bruit et en faire le plus ambitieux projet de réhabilitation environnementale jamais entrepris en milieu urbain en Amérique du Nord. Comment? En métamorphosant une ancienne carrière et un site d’enfouissement en un vaste espace vert.
En prônant le recyclage: Par exemple, le bois des frênes abattus par la Ville à cause de l’agrile du frêne sert au mobilier, le compost tiré des feuilles des arbres enrichit les sols utilisés et le gravier composant les sentiers provient de l’écaillage des falaises. En tout, 85 % des matériaux utilisés pour le parc ont été recyclés ou revalorisés.
En favorisant la biodiversité et la création d'écosystèmes durables: 550 arbres et 17 000 arbustes sont en voie d’y être plantés. Pour réduire l’entretien et l’arrosage du site, la végétation choisie est indigène. Depuis, plusieurs espèces de la faune y ont déjà élu domicile et vous aurez peut-être la chance unique d’y apercevoir un coyote ou un renard.
On continu
Le premier bâtiment que vous croiserez sur votre gauche est le TAZ, un des partenaires actifs du projet du Complexe. Le TAZ est un lieu dédié à la pratique des sports sur roues: le skate, le patins et le BMX. Il est le plus grand centre du genre au pays et sa principale mission est d’encourager l’épanouissement des jeunes par la pratique de ce type de sport. Je vous encourage fortement à y entrer pour aller prendre un rafraîchissement au restaurant. Vous pourrez ainsi être témoins du talent et de la passion de tous ces jeunes. Croyez-moi, c’est un spectacle fascinant. Vidéo promo du TAZ
À quelque pas au nord du TAZ se trouve le Stade de soccer de Montréal. Sa conception unique vient d’un concours d'architecture lancé en 2011 par la ville de Montréal dans le but de concevoir un complexe de soccer intérieur adapté aux besoins de milliers de joueurs de son territoire. La demande était aussi de créer un complexe qui épouse les valeurs environnementales de l’endroit. Des finalistes, c’est le projet de la firme Saucier + Perrotte / Hughes Condon Marler Architects que retient le jury. La construction débute en août 2013 et se termine en 2015. Vous trouverez ici aussi un restaurant et des toilettes pour vous rafraîchir.
Le trajet longeant le complexe environnemental du côté de la rue Papineau est le meilleure point de vue pour apercevoir les curiosités à l'intérieur du Complexe. Vous remarquerez d’abord des monticules de déchets, répartis en longs rangs, servant à créer une sorte de compost. Ensuite vous apercevrez les billots des frênes de Montréal qui ont dû être abattus en raison de la maladie dévastatrice de l'agrile du frêne et qui sont désormais réutilisés pour faire le mobilier du parc. Et finalement, vous pourrez contempler un immense amas de rock creusé qui consiste aux vestiges de l’ancienne carrière Miron.
Vous arrivez au bout du sentier et vous devez tourner à droite pour longer la partie nord du Parc. Cette portion boisée semble être la plus sauvage et celle où vous aurez le plus de chance d’apercevoir la faune. Vous voilà arrivé au Parc Champs Doré. Continuez sur le sentier et vous longez à nouveau une section boisée. Vous entrez maintenant dans la section la plus étonnante du Parc. Je la nommerais le champs de boules mais elle se nomme en réalité le Boisé-Est.
Le Champs de boules est sans contredit, la plus grande curiosité du parc avec ses multitudes de sphères blanches. Par surprenant qu’elles soient devenues l’emblème du parc. Leur raison d’être est de protéger les puits de captation des biogaz qu’émettent les déchets enfouis. Le biogaz récupéré est ensuite acheminé ensuite à la centrale Biomont située à quelques centaines de mètres plus loin. En se promenant au milieu d’elles, on se croirait projeté sur une autre planète ou dans une scène de film futuriste.
De plus, la nuit, muni d’un cellulaire en fonction lampe de poche, on peut écrire sur les sphères qui deviennent alors phosphorescentes! Au milieu de ce paysage stupéfiant se trouvent des aires de pique niques, des oeuvres d’art et un belvédère qui permet une vue insoupçonnée sur le stade olympique, le centre ville, le Mont-Royal, l’Université de Montréal et l’Oratoire St-Joseph.
Continuez votre périple et vous arriverez vis à vis un grand bâtiment, le Siège social du Cirque du Soleil. Bien que les spectacles du Cirque du Soleil se promènent à travers le monde, le siège social est situé à Montréal et c'est dans ce bâtiment que les artistes de toutes disciplines collaborent et expérimentent afin de créer de nouveaux numéros. C’est aussi ici, que les nouvelles recrues, après avoir été choisies, sont accueillies pour suivre un entraînement préparatoire avant de joindre un spectacle.
Continuer votre chemin et vous croiserez sans véritablement le voir l’écocentre, l’endroit où les montréalais du coin viennent déposer leur déchets de construction et vous voilà enfin arriver à la célèbre TOHU.
Lieu de diffusion, de création, d’expérimentation, la TOHU contribue, avec son partenaire le Cirque du soleil, à faire de Montréal une capitale internationale des arts du cirque. Grâce à des outils tels qu'une salle de spectacle présentant une variété de spectacles originaux et le festival MONTRÉAL COMPLÈTEMENT CIRQUE, elle y parvient très bien. Elle est aussi la porte d’entrée du Complexe environnemental en organisant diverses activités (visite guidée, soirée de contes, etc) qui permettent de le découvrir plus en profondeur. Prenez le temps d’y entrer et de la visiter, peut-être même de vous restaurer au bistrot. Ça vaut le détour.
Vous voici longeant La centrale Biomont, qui récupère le biogaz de la décharge du Complexe environnemental et le convertit en électricité pour alimenter des milliers de foyers. La chaleur résiduelle produite par les moteurs est aussi récupérée et utilisée pour le chauffage des installations avoisinantes de la TOHU et du Cirque du Soleil, générant ainsi des réductions substantielles d’émissions de gaz à effet de serre annuellement.
Vous êtes arrivés à la fin de votre visite. Suivez le sentier en longeant l'arrière du Centre de recyclage, suivi du Canadien Tire et du Maxi pour reprendre la rue Crémazie et retourner au métro Crémazie à votre droite.
Votre trekking urbain du jour est maintenant terminé. Ce trésor caché de la ville n’aura plus de secret pour vous. Consulter la page Nomades-X.com pour d’autres suggestions de trekking urbains et n’hésitez pas à nous laisser vos commentaires et vous abonnez à notre page Facebook.