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Carnet de voyage: POTOSI

Comme on ne part que dans un an environ, pourquoi ne pas vous partager quelques extraits de nos carnets de voyage. Petites aventures indépendantes parfois drôles, parfois rocambolesques ou tout simplement dignes d’être partagées pour vous donner envie de les vivre à votre tour.

Voici donc ‘’Potosi: la fois où j’ai rencontré une de mes limites.’’

Hier nous étions à Potosi. Ville Bolivienne connue pour sa mine du Cerro Rico (montagne riche) qui date de l’époque coloniale et qui a rendu l’Espagne prospère grâce à son minerais d’argent. Quelque huit millions d’esclaves (indiens et africain) y ont laissé leur vie afin d’assouvir les besoins incessants des conquistadors.

De nos jours, encore beaucoup de boliviens y travaillent au pic et au marteau afin de subvenir à leur besoin et ceux de leur famille. Ils le font en tant que travailleur indépendant malgré les dangers omniprésents et les risques élevés pour leur vie. L’espérance de vie d’un mineur est de 45 ans!

Bref, on se lève tôt et on y va. J’pas certain que j’ai vraiment envie d’y aller et, a bien y penser, je crois que ça fait plusieurs jours que j’ai un petit serrement dans l’estomac lorsque nous planifions notre itinéraire pour s’y rendre.

Nous y allons en groupe et le premier arrêt a pour objectif de nous équiper. Le kit complet du mineur en herbe: pantalon, manteau, bottes de caoutchouc, casque et lampe frontale. Et, comme si cela n’était pas assez, de la dynamite. Et oui, achetée en vente libre sur le bord de la route.  

Un fois les achats de dynamite et d’offrandes terminées, Nous nous rendons à la mine plein d’appréhension (du moins dans mon cas).

Ouf! Rien à voir avec une mine moderne. L’entrée ressemble plus aux mines dans les aventures de Lucky Luke que celles de l’Abitibi. J’pas sûr! J’pas bien! Inspire… Expire… Ok, ça va ben aller.

On entre…

On marche plié en deux, en file indienne, le casque qui frappe la parois à chaque pas. Il fait noir et il y a beaucoup de poussière. Y’a des mineurs qui travaillent. Pas question d’arrêter pour préserver les poumons des touristes. Nous marchons toujours tout droit, en pente descendante, jusqu’à atteindre un espèce de petit musée creusé à même le roc à peine assez grand pour contenir 10 personnes.

Un diable est assis et nous attend. Son nom, El Tio (L’oncle). Une statut avec le membre bien au garde-à-vous auquel nous ferons des offrandes d’alcool, de feuilles de coca et de tabac afin qu’il nous protège. Ben oui, c’est sûr qu’il me protégera!

Bon ben là nous y allons pour vrai. Encore en file indienne car c’est encore plus étroit que le premier couloir. Je suis l’avant-dernier de la file. Derrière moi, le guide qui ferme la marche. Le casque qui frappe au dessus, à gauche, à droite, encore et encore, et le sac à dos qui frotte au plafond. Il fait de plus en plus chaud et c’est de moins en moins respirable. J’ai la poitrine qui se serre, la sueur qui perle sur mon front et je sens que j’étouffe. Ok, faut que je sorte. Voyons donc, qu’est-ce qui m’arrive. Dis-moi pas que je suis en train de devenir pissou? Crise de panique? Pas moyen de me calmer. J’arrête! Plus moyen d’avancer. Je dois sortir, ça presse…

Je me retourne et je dis au guide, je sors, tasse-toé. Je ne sais pas quelle face j’avais mais il m’a laissé passé. Moi qui voulais vivre des aventures et des émotions fortes, je suis servi.

300 mètres entre moi et l’extérieur (je doute un peu de la distance mais c’est ce que j’ai écrit dans mon carnet de l’époque). J’avance le souffle court et je ne voie pas la lumière au bout du tunnel (ce n’est pas l’expression, c’est réel). Dans la panique je pense m’être trompé de chemin. J’ai beau me raisonner et me dire qu’il n’y a qu’une seule galerie, j’arrive à peine à me convaincre. Pourtant plus j’avance plus le petit point lumineux de la sortie grossit jusqu’à ce que le ciel rempli de soleil couvre mon visage. WOW, j’ai survécu à ma première crise de claustrophobie qui ne me quittera plus jusqu’à aujourd’hui. C’est le jour où j’ai appris que j’avais des limites! Environs 30 minutes s’écoulent avant que je recommence à respirer normalement et que je reprenne mes esprits.

Et c’est à ce moment que je fis la rencontre d’un tout jeune bolivien d’environ 10 ans qui vendait des pierres de la mine aux touristes qui croisent son chemin. On parle, un peu en espagnol, un peu en anglais, je cherche mes mots, je ne suis pas tout à fait remis de mes émotions quand soudain, de but en blanc, il me répond en français. Je n’en reviens tout simplement pas. Lui, enfant d’un des pays les plus pauvres de l’Amérique, m’offre, avec son savoir, de la façon la plus naturelle possible de communiquer dans ma propre langue. Au final, grande conversation, assis ensemble au sommet du Cerro Rico, les pieds dans le vide, à observer la ville de Potosi. Ce petit bonhomme à l’avenir sombre de mon point de vue d’occidental blanc du Canada parlent déjà huit langues apprises grâce au contact avec les étrangers. Son univers est peuplé de son amour pour le soccer et son désir de devenir guide touristique pour faire visiter la mine à des gens comme moi. Je te souhaite de réaliser tes rêves petit bonhomme.

Cette aventure à la mine de Potosi n’est pas un échec. J’ai rencontré une de mes limites, j’ai appris sur moi et surtout, j’ai fait une rencontre incroyable qui n’aurait pas eu lieu si je n’avais fait de claustrophobie.

Voyager, vivre l’aventure, découvrir, n’a pas sa raison d’être si ce n’est que pour ces moments magiques pour lesquels je suis comme un junky. J’aurai eu mon ‘’fix’’ encore une fois et j’en aurai bien d’autres encore.

16 ans plus tard, il reste toujours des traces de cyanure sur mon sac à dos et quelques pierre achetées à un bambin au potentiel extraordinaire.

 

Photo: Diablo (Potosi Bolivia) par Ahron de Leeuw Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

Photo (Potosi) par https://es.wikipedia.org/wiki/Cerro_Rico#/media/File:Potosi_D%C3%A9cembre_2007_-_Panorama_1.jpg

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